Les sanctions pénales prévues en matière de fraudes et de falsifications figurent parmi les plus sévères du droit des affaires. Elles visent à protéger tout à la fois la loyauté des transactions commerciales et la sécurité des consommateurs. Pour un dirigeant d’entreprise, une mise en cause pour de tels faits peut avoir des conséquences judiciaires et économiques considérables, impactant directement la pérennité de son activité. L’assistance par un avocat compétent en droit pénal est alors déterminante. Ces infractions, qui relèvent principalement du Code de la consommation, s’inscrivent dans le cadre général du droit pénal des fraudes en France, un domaine technique où la précision des faits et l’intention de leur auteur sont au cœur des débats.

Les peines principales applicables au délit de tromperie

Le délit de tromperie sanctionne le fait de tromper ou de tenter de tromper un contractant sur la nature, l’origine, les qualités substantielles d’une marchandise ou d’une prestation de service. Pour comprendre la portée de ces peines, il est essentiel de maîtriser en amont les éléments constitutifs du délit de tromperie, qui définissent le périmètre de l’infraction.

Peines d’emprisonnement et amendes (art. L. 454-1 C. consom.)

L’article L. 454-1 du Code de la consommation prévoit une peine de base de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende pour toute personne reconnue coupable de tromperie ou de tentative de tromperie. Il est important de noter que le montant de l’amende peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel de l’entreprise, calculé sur les trois derniers exercices connus. Cette disposition permet d’adapter la sanction à la réalité économique de l’auteur de l’infraction et à l’avantage qu’il a pu en tirer, assurant ainsi un caractère véritablement dissuasif à la peine.

Les circonstances aggravantes (usage de faux instruments, manœuvres, danger pour la santé, bande organisée)

Le législateur a prévu un alourdissement significatif des peines lorsque le délit de tromperie est commis dans des circonstances particulières, révélatrices d’une intention frauduleuse plus marquée ou d’un préjudice potentiellement plus grave. Les peines sont ainsi portées à cinq ans d’emprisonnement et 600 000 euros d’amende si le délit a été commis :

  • À l’aide de poids, mesures ou instruments faux ou inexacts (par exemple, un compteur kilométrique de véhicule trafiqué).
  • Au moyen de manœuvres ou de procédés visant à fausser les opérations d’analyse, de pesage ou de mesurage.
  • Par des indications frauduleuses tendant à faire croire à une opération antérieure exacte (comme la vente de pièces d’occasion pour des neuves, laissant supposer un contrôle fabricant qui n’a pas eu lieu).

Les peines maximales atteignent sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque la tromperie a eu pour conséquence de rendre l’utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l’homme ou de l’animal, ou si elle a été commise en bande organisée. Cette dernière circonstance vise les réseaux structurés dont l’activité repose sur des pratiques commerciales frauduleuses à grande échelle.

Les peines principales applicables au délit de falsification et délits connexes

À la différence de la tromperie qui porte sur la loyauté d’une transaction, la falsification concerne l’altération même de la substance d’un produit. La définition du délit de falsification de denrées et produits est un préalable indispensable pour saisir la logique des sanctions, qui visent à protéger directement la santé publique.

Peines pour falsification, exposition, vente et incitation (art. L. 451-1-1 C. consom.)

L’article L. 413-1 du Code de la consommation interdit non seulement de falsifier des denrées destinées à l’alimentation humaine ou animale, des boissons ou des produits agricoles, mais aussi de les exposer, de les mettre en vente ou de les vendre en sachant qu’ils sont falsifiés, corrompus ou toxiques. Il interdit également d’inciter à l’emploi de produits propres à la falsification. Ces agissements sont punis par l’article L. 451-1-1 de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

Peines spécifiques aux délits de détention (art. L. 451-3 C. consom.)

Le législateur a également prévu un “délit-obstacle” pour intervenir en amont de la commercialisation. L’article L. 413-2 interdit la simple détention, dans des locaux professionnels (lieux de fabrication, de stockage, entrepôts, véhicules de transport), de produits que l’on sait être falsifiés, corrompus ou toxiques. Cette infraction est punie plus légèrement, d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, conformément à l’article L. 451-3 du Code de la consommation.

Les circumstances aggravantes et l’augmentation des amendes

Comme pour la tromperie, des circonstances aggravantes sont prévues. La peine est portée à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende si la substance falsifiée ou corrompue est jugée nuisible à la santé humaine ou animale, ou si les faits ont été commis en bande organisée (article L. 451-1-2). De même, pour l’ensemble de ces délits, le montant des amendes peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers exercices connus, afin de proportionner la sanction aux avantages tirés de l’infraction.

Les peines complémentaires applicables : un impact majeur pour les professionnels

Au-delà des peines d’emprisonnement et des amendes, le tribunal peut prononcer des peines complémentaires qui ont souvent un impact plus direct et durable sur l’activité professionnelle du condamné. Ces interdictions, qui visent à écarter le professionnel fautif du circuit économique, se rapprochent dans leur esprit d’autres mécanismes de sanction, comme ceux prévus pour la répression de la corruption commerciale.

Affichage et diffusion des décisions judiciaires : modalités et durée

Le tribunal a la faculté d’ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision de condamnation. Cette mesure, prévue aux articles L. 454-7 et L. 451-7 du Code de la consommation, a pour but d’informer le public et de porter atteinte à la réputation du professionnel condamné. Le jugement fixe les modalités précises de cette publicité (lieux d’affichage, supports de diffusion, contenu du message) et sa durée, qui ne peut excéder sept jours en matière d’affichage. La vente du fonds de commerce postérieurement à la décision ne fait pas obstacle à son exécution.

Interdictions professionnelles (art. L. 454-6 et L. 451-6 C. consom. et art. 131-27 C. pén.)

Les articles L. 454-6 et L. 451-6 du Code de la consommation, en renvoyant à l’article 131-27 du Code pénal, permettent au juge de prononcer des interdictions professionnelles à l’encontre des personnes physiques condamnées. Ces interdictions peuvent être définitives ou temporaires, pour une durée maximale de cinq ans. Elles peuvent consister en :

  • L’interdiction d’exercer une fonction publique.
  • L’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise.
  • L’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise ou une société commerciale.

Ces mesures peuvent être prononcées cumulativement et représentent une menace sérieuse pour la carrière du dirigeant fautif.

Les aspects procéduraux de la répression

La répression des délits de tromperie et de falsification obéit à des règles procédurales spécifiques, notamment en ce qui concerne l’engagement des poursuites, la prescription de l’action publique et le régime de la récidive.

Poursuites (action publique et civile) et organes compétents

L’action publique est mise en mouvement par le procureur de la République, généralement sur la base des procès-verbaux dressés par les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Parallèlement, l’action civile peut être exercée par les victimes directes de l’infraction (les consommateurs, les concurrents) pour obtenir réparation de leur préjudice. Les associations de défense des consommateurs agréées et les syndicats professionnels peuvent également se constituer partie civile pour défendre l’intérêt collectif qu’ils représentent.

La prescription de l’action publique : calcul et spécificités

Le délit de tromperie est considéré comme une infraction instantanée. La prescription de l’action publique, d’une durée de six ans, commence donc à courir à compter du jour de la livraison de la marchandise ou de la fourniture de la prestation de service, et non à la date de la découverte de la tromperie par la victime. Cette règle peut rendre l’exercice des poursuites difficile lorsque la fraude n’apparaît que tardivement.

La récidive légale et son champ d’application

L’article L. 455-2 du Code de la consommation établit un régime de récidive large. Une personne condamnée définitivement pour tromperie ou falsification qui commet une nouvelle infraction de même nature dans un délai de cinq ans est en état de récidive légale. Le texte assimile à ces infractions de nombreux autres délits, notamment les pratiques commerciales trompeuses, les contrefaçons, ainsi que diverses infractions prévues par le Code de la santé publique et le Code rural et de la pêche maritime. Ce large champ d’application a pour effet d’aggraver rapidement les peines encourues par les délinquants d’affaires spécialisés dans ce type de fraudes.

Foire aux questions (FAQ)

Un même fait peut-il entraîner plusieurs condamnations (cumul d’infractions) ?

Oui, un même comportement peut relever de plusieurs qualifications pénales. Par exemple, une tromperie réalisée au moyen d’une mise en scène élaborée peut également constituer une escroquerie, infraction prévue par le Code pénal. Dans ce cas, les juges retiendront la qualification la plus élevée pour prononcer la sanction. De même, un délit de tromperie peut se cumuler avec une contravention à une réglementation spécifique (par exemple, sur l’étiquetage). En revanche, la jurisprudence exclut le cumul entre le délit de tromperie sur un produit ayant rendu malade un consommateur et le crime d’empoisonnement, car l’intention de donner la mort n’est pas caractérisée dans le premier cas.

Quel est l’impact d’une condamnation sur l’activité professionnelle ?

L’impact peut être dévastateur. Outre les amendes et les éventuelles peines d’emprisonnement, les peines complémentaires sont particulièrement redoutables pour un professionnel. L’affichage de la condamnation porte une atteinte durable à la réputation de l’entreprise. Surtout, l’interdiction de gérer ou d’exercer l’activité dans laquelle l’infraction a été commise peut signifier la fin de la carrière du dirigeant condamné. Cette mesure, dont la durée peut atteindre cinq ans, l’empêche de diriger toute entreprise commerciale ou industrielle, le mettant de fait à l’écart du monde des affaires.

La complexité des règles applicables aux délits de tromperie et de falsification et la lourdeur des sanctions encourues rendent indispensable l’accompagnement par un avocat. Si vous êtes mis en cause dans ce type d’affaire, contactez notre cabinet pour une analyse personnalisée de votre situation.

Sources

  • Code de la consommation
  • Code pénal
  • Code de commerce