Le recel de choses est une infraction de conséquence, souvent perçue comme un simple prolongement d’un vol ou d’une escroquerie. Pourtant, le droit pénal lui confère une autonomie pleine et entière, avec des règles de répression et de poursuite qui lui sont propres. En tant qu’infraction qui alimente et pérennise la délinquance patrimoniale, sa répression est un enjeu majeur pour la protection des biens et la moralité des transactions. L’intervention d’un avocat est souvent déterminante pour naviguer la complexité de cette qualification juridique, que ce soit pour la victime cherchant réparation ou pour la personne mise en cause. Notre cabinet met à votre service son expertise en défense pénale pour aborder ces situations délicates.

Les peines applicables au recel de choses

La sanction du recel est graduée selon la gravité des faits et les circonstances de sa commission. Le législateur a prévu un régime pour le recel simple et des sanctions alourdies pour ses formes aggravées. Pour bien comprendre les sanctions encourues, il est utile de se référer à la définition et aux éléments constitutifs du recel, qui posent les bases de l’infraction.

Le recel simple : peines principales (emprisonnement, amende, valeur des biens)

Le recel simple, c’est-à-dire non accompagné de circonstances aggravantes, est défini et réprimé par l’article 321-1 du Code pénal. L’auteur, personne physique, encourt une peine principale de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Cette sévérité, parfois supérieure à celle de l’infraction d’origine comme le vol simple, s’explique par la volonté de dissuader ceux qui créent un “marché” pour les biens d’origine frauduleuse, considérant que le receleur fait le voleur.

Une particularité notable, prévue à l’article 321-3 du Code pénal, permet au juge d’élever le montant de l’amende bien au-delà du plafond légal. L’amende peut ainsi atteindre jusqu’à la moitié de la valeur des biens recelés. Cette disposition vise particulièrement les receleurs professionnels et la délinquance organisée, en frappant directement le profit tiré de l’activité illicite. Lorsque le tribunal use de cette faculté, il doit motiver sa décision en procédant à une évaluation précise des objets en question.

Le recel aggravé : circonstances (habitude, bande organisée, gravité de l’infraction d’origine) et sanctions renforcées

Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque le recel est commis de manière habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle. La même aggravation s’applique lorsque le délit est commis en bande organisée, circonstance qui vise les réseaux structurés de revente de biens volés ou détournés.

La sanction peut être encore plus lourde en fonction de la nature de l’infraction qui a procuré le bien recelé. L’article 321-4 du Code pénal prévoit que le receleur encourt les peines attachées à l’infraction d’origine (par exemple un vol avec arme, qualifié de crime) s’il avait connaissance de ses circonstances aggravantes. Cette règle illustre la connexion forte qui subsiste entre le recel et le délit initial, et l’importance de bien qualifier les conditions de l’infraction d’origine pour déterminer la peine applicable au receleur.

Les peines complémentaires spécifiques (interdictions, confiscation, affichage) et la responsabilité des personnes morales

Au-delà des peines principales, le juge peut prononcer une série de peines complémentaires listées à l’article 321-9 du Code pénal. Celles-ci incluent l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise (pour cinq ans au plus, voire à titre définitif en cas de recel aggravé), ou encore l’exclusion des marchés publics. La confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit est également prévue, tout comme l’affichage ou la diffusion de la décision de condamnation.

Les personnes morales (sociétés, associations) peuvent être déclarées pénalement responsables du délit de recel. Elles encourent une amende dont le taux maximal est porté au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques, soit 1 875 000 euros pour un recel simple et 3 750 000 euros pour un recel aggravé. Elles peuvent aussi être soumises à des peines complémentaires adaptées, comme la dissolution, l’interdiction d’exercer l’activité concernée ou la fermeture d’établissements.

Les caractères juridiques du recel et leurs conséquences sur les poursuites

Le recel est une infraction hybride. Bien qu’il dépende d’un crime ou d’un délit préalable, il possède des caractéristiques propres qui influencent directement les règles de prescription, de compétence juridictionnelle et l’indépendance des poursuites contre le receleur.

Le recel, délit distinct : indépendance de la culpabilité du receleur (immunité familiale, non-cumul avec l’infraction principale)

Depuis une loi du 22 mai 1915, le recel n’est plus un cas de complicité mais un délit autonome. Cette distinction a des conséquences fondamentales. La culpabilité du receleur est indépendante de celle de l’auteur de l’infraction d’origine. Ainsi, le receleur peut être condamné même si l’auteur principal est inconnu, décédé, en fuite, ou non poursuivi. De même, si l’auteur du délit initial (un vol par exemple) bénéficie d’une immunité familiale (prévue à l’article 311-12 du Code pénal), cette immunité personnelle ne profite pas au receleur, qui reste punissable. Enfin, une même personne ne peut être condamnée à la fois comme auteur de l’infraction principale et comme receleur des biens qu’elle a elle-même volés ou détournés ; les qualifications sont exclusives l’une de l’autre.

Le recel, délit continu : point de départ de la prescription et effets de l’amnistie

Le recel est un délit continu, ce qui signifie qu’il se poursuit tant que dure la détention de la chose. Cette nature a un impact majeur sur la prescription de l’action publique. Le délai de prescription (six ans en matière délictuelle depuis la loi du 27 février 2017) ne commence à courir qu’à partir du jour où la détention cesse, c’est-à-dire lorsque le receleur se dessaisit de l’objet. Il est donc possible de poursuivre un receleur pour des faits dont l’infraction d’origine est, elle, prescrite depuis longtemps.

Cette règle a toutefois été adaptée par la jurisprudence pour les infractions dissimulées comme l’abus de biens sociaux : la prescription du recel ne peut commencer à courir avant que l’infraction d’origine ait pu être découverte et constatée. Cette logique prévaut également dans la lutte contre d’autres formes de délinquance financière complexe, comme le blanchiment d’argent. Par ailleurs, le caractère continu du recel a une incidence en cas de loi d’amnistie : si la détention de la chose se prolonge au-delà de la date butoir fixée par la loi, le receleur ne pourra pas en bénéficier.

Le recel, délit connexe : jonction des procédures et règles de compétence internationale

Bien qu’autonome, le recel est considéré comme une infraction connexe à l’infraction d’origine au sens de l’article 203 du Code de procédure pénale. Cette connexité permet de joindre les procédures et de poursuivre l’auteur principal et le receleur devant la même juridiction, ce qui favorise une bonne administration de la justice. En matière de compétence internationale, la qualification de délit connexe, voire indivisible, a des effets importants. Par exemple, si l’infraction principale (un vol) a été commise en France, le recel commis à l’étranger par un étranger pourra être jugé par les tribunaux français. Inversement, un recel commis en France d’un bien provenant d’une infraction commise à l’étranger est punissable en France, la loi considérant que l’un des faits constitutifs du recel (la détention) a eu lieu sur le territoire national.

La solidarité civile et les amendes : enjeux pour la victime et le receleur

Au-delà de la sanction pénale, le receleur s’expose à des conséquences civiles importantes, notamment l’obligation de réparer le préjudice de la victime. La jurisprudence a développé un principe de solidarité rigoureux qui facilite l’indemnisation.

La solidarité pour les dommages et intérêts et les restitutions (recel partiel)

En raison de la connexité entre l’infraction d’origine et le recel, la jurisprudence considère que l’auteur et le receleur sont tenus solidairement des restitutions et des dommages et intérêts dus à la victime. Cette solidarité signifie que la victime peut demander la réparation intégrale de son préjudice à l’un ou à l’autre, le plus souvent au receleur qui est le plus solvable. Ce principe est appliqué avec une grande sévérité : le receleur peut être condamné à réparer l’entier dommage, même s’il n’a reçu qu’une partie des biens volés ou détournés. Toutefois, cette solidarité totale suppose que l’auteur de l’infraction principale soit identifié et condamné. Si l’auteur reste inconnu, la solidarité ne jouera qu’entre les éventuels co-receleurs, et chacun ne sera tenu qu’à hauteur de la valeur des objets qu’il a personnellement recelés.

Les règles spécifiques de solidarité pour les amendes

La solidarité pour le paiement des amendes pénales est possible mais beaucoup plus encadrée. Les articles 480-1 et suivants du Code de procédure pénale permettent au tribunal, par une décision spéciale et motivée, de prononcer cette solidarité lorsque les condamnés ont agi comme coauteurs ou complices. En pratique, cette faculté est rarement utilisée entre l’auteur de l’infraction principale et le receleur, en raison du caractère distinct des infractions. Le principe de la personnalité des peines tend ici à prévaloir, et chaque condamné reste en principe tenu de sa propre amende.

Jurisprudence et actualisation

La matière du recel est en constante évolution, affinée par les décisions de la Cour de cassation. Récemment, plusieurs points ont été précisés. La chambre criminelle a réaffirmé que le délit de recel de prise illégale d’intérêts ne peut être reproché à la personne qui a commis l’infraction principale, même si celle-ci est prescrite (Crim. 12 nov. 2015, n° 14-83.073). De même, il a été jugé que le principe ne bis in idem (nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits) s’oppose à une double déclaration de culpabilité pour des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique (Crim. 26 oct. 2016, n° 15-84.552).

Plus récemment, la question du cumul d’infractions entre recel et non-justification de ressources (art. 321-6 C. pén.) a été tranchée : ces deux qualifications sont exclusives l’une de l’autre pour les mêmes faits. Si la connaissance de l’origine frauduleuse est établie (caractéristique du recel), la présomption de la non-justification de ressources ne peut être examinée (Crim. 19 juin 2024, n° 23-81.965). Enfin, une décision importante a précisé que la période de sûreté, étant une modalité d’exécution de la peine et non une peine en soi, ne peut être appliquée au receleur du simple fait qu’elle était encourue pour l’infraction d’origine (Crim. 22 janv. 2020, n° 19-84.084).

La complexité des règles de poursuite et de sanction en matière de recel de choses démontre l’importance d’une défense pénale technique et rigoureuse. Si vous êtes confronté à une telle accusation, ou si vous êtes victime et souhaitez engager une procédure, il est essentiel de vous faire accompagner. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse de votre situation.

Sources

  • Code pénal, notamment les articles 321-1 à 321-12
  • Code de procédure pénale, notamment les articles 203, 480-1 et 706-1
  • Code de commerce