La vie d’une société commerciale est rythmée par des opérations financières qui, si elles sont vitales pour sa croissance, ne sont pas dénuées de risques. Les décisions relatives au capital social, qu’il s’agisse d’en modifier le montant ou d’agir sur les titres qui le composent, sont encadrées par un formalisme juridique précis. Lorsque ces règles sont enfreintes, le droit pénal intervient pour sanctionner des comportements qui peuvent léser les actionnaires, les créanciers ou la société elle-même. Ces infractions, complexes, sont souvent mal comprises des dirigeants qui peuvent s’y trouver confrontés. Bien qu’elles se distinguent de l’abus de biens sociaux, elles touchent comme lui au cœur du patrimoine et de l’équilibre des pouvoirs au sein de l’entreprise. Cet article a pour but de fournir une vue d’ensemble de ces infractions spécifiques, de leurs sanctions et des logiques qui les sous-tendent, un domaine technique où l’accompagnement par un avocat expert en droit pénal des affaires s’avère souvent indispensable.

Les infractions pénales liées aux opérations sur les actions

Les opérations sur les actions d’une société n’entraînent pas nécessairement une modification du capital social, mais elles peuvent en altérer la répartition et la valeur. Le droit pénal intervient pour sanctionner les manœuvres les plus dangereuses, tout en tenant compte de l’évolution des pratiques financières qui a conduit à une dépénalisation partielle de certains comportements.

Opérations sur actions interdites : quelles sanctions ?

Certaines opérations sont jugées si préjudiciables à l’intégrité du capital social et aux intérêts des tiers qu’elles restent fermement prohibées et pénalement réprimées. D’autres, en revanche, ont vu leur sanction pénale disparaître au profit de sanctions civiles.

La dépénalisation de certaines opérations

Dans un mouvement de simplification du droit des affaires, le législateur a supprimé la sanction pénale qui visait autrefois le fait pour une société de souscrire à ses propres actions ou de les prendre en gage. Ces opérations restent interdites car elles aboutiraient à la création d’un capital fictif, mais leur violation n’engage plus que la responsabilité civile des dirigeants et des souscripteurs, qui sont alors tenus de libérer personnellement les actions concernées.

Avances de fonds, prêts et sûretés illicites

Une infraction majeure, toujours en vigueur, est celle prévue par l’article L. 225-216 du Code de commerce. Il est formellement interdit à une société d’avancer des fonds, d’accorder des prêts ou de consentir des sûretés (comme un cautionnement) pour permettre à un tiers de souscrire ou d’acheter ses propres actions. L’objectif est d’éviter que le patrimoine de la société ne serve à financer l’acquisition de son propre capital, ce qui reviendrait à le diminuer de manière occulte. Les dirigeants (président, administrateurs, directeurs généraux) qui se rendraient coupables de tels agissements encourent une amende de 150 000 euros.

La détention d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote par un dirigeant

Pour éviter des conflits d’intérêts évidents, l’article L. 228-35-8 du Code de commerce interdit aux dirigeants de sociétés anonymes (et à leurs proches) de détenir des actions à dividende prioritaire sans droit de vote de la société qu’ils dirigent. Ces titres, qui offrent des avantages financiers sans conférer de pouvoir politique, pourraient inciter les dirigeants à privilégier la distribution de dividendes au détriment de l’intérêt social à long terme. La violation de cette règle est un délit puni d’une amende de 150 000 euros.

Opérations sur actions réglementées : les points de vigilance

En dehors des interdictions pures et simples, certaines opérations sur actions sont autorisées, mais soumises à un cadre strict dont le non-respect peut être sanctionné.

Amortissement du capital et achat par la société de ses propres actions

L’achat par une société de ses propres actions, autrefois largement prohibé, est aujourd’hui une technique de gestion financière reconnue, notamment pour les sociétés cotées. Toutefois, ces opérations de rachat sont strictement encadrées. La seule hypothèse encore pénalement sanctionnée concerne l’achat d’actions destiné à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. Si les actions rachetées dans ce but sont utilisées à d’autres fins, les dirigeants commettent un délit. L’intention est ici déterminante, car la loi accorde un délai d’un an pour que les actions soient effectivement attribuées aux salariés.

Les infractions pénales liées aux variations du capital

Modifier le capital social est une décision stratégique majeure qui affecte directement les droits des actionnaires et le gage des créanciers. Le droit pénal sanctionne donc les irrégularités les plus graves dans ces procédures.

L’augmentation de capital : règles et infractions

L’augmentation de capital, bien que souvent perçue comme un signe de bonne santé, peut être le théâtre de manœuvres frauduleuses. Le droit pénal intervient pour garantir la régularité de l’opération et protéger les investisseurs. Pour approfondir les risques spécifiques auxquels les dirigeants sont confrontés, notamment en lien avec des délits connexes, vous pouvez consulter notre article sur l’essentiel de l’abus de biens sociaux pour les dirigeants.

Les procédés interdits (SARL, SAS)

Toutes les sociétés ne peuvent pas utiliser les mêmes outils pour se financer. Ainsi, une SARL ne peut pas émettre de valeurs mobilières (comme des actions ou des obligations négociables au public) pour augmenter son capital. Le gérant qui contreviendrait à cette interdiction commettrait un délit. De même, une SAS, société à la structure très souple, ne peut faire d’offre au public de ses titres. Cette interdiction vise à préserver son caractère de société “fermée”, où les associés se choisissent.

Les irrégularités des procédures réglementées

L’article L. 242-17 du Code de commerce sanctionne pénalement certaines irrégularités lors d’une augmentation de capital. L’infraction la plus notable est l’émission d’actions nouvelles alors que le capital existant n’a pas été intégralement libéré. En d’autres termes, une société doit d’abord s’assurer que les apports promis ont bien été versés avant de solliciter de nouveaux fonds. De même, les nouvelles actions de numéraire doivent être libérées d’au moins un quart de leur valeur nominale lors de la souscription. Le non-respect de ces règles est un délit puni d’une amende de 150 000 euros.

La réduction de capital : respecter l’égalité des actionnaires

La réduction du capital peut être motivée par des pertes ou par une volonté de restructuration. Quelle qu’en soit la raison, l’opération est encadrée par un principe fondamental : l’égalité entre les actionnaires. L’article L. 225-204 du Code de commerce dispose qu’une réduction de capital “ne peut en aucun cas porter atteinte à l’égalité des actionnaires”. Toute opération qui imposerait un sacrifice financier disproportionné à certains actionnaires par rapport à d’autres, sans leur accord, constitue un délit pénal. Les dirigeants qui procéderaient à une telle opération s’exposent à une amende de 30 000 euros.

Infractions spécifiques aux obligations et bons de caisse

Au-delà des actions, les sociétés peuvent se financer par l’émission d’obligations ou de bons de caisse, qui sont des titres de créance. Le droit pénal intervient également pour protéger les souscripteurs de ces titres.

Les obligations : le non-respect des droits de créance

L’obligation est un titre négociable représentant une créance sur la société. Pour garantir la confiance des investisseurs, la loi impose que toutes les obligations d’une même émission confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale. Le fait de violer ce principe est un délit. La sanction est aggravée si l’opération a été menée avec une intention frauduleuse, c’est-à-dire dans le but de priver certains obligataires de leurs droits.

Les bons de caisse : bilans inexacts et certifications mensongères

Les bons de caisse, qui sont des engagements de payer à une échéance déterminée, doivent reproduire le dernier bilan de la société émettrice, certifié sincère. Le droit pénal intervient ici pour sanctionner le fait de reproduire un bilan inexact ou de le certifier mensongèrement sincère. Cette infraction est assimilée au délit d’escroquerie, ce qui témoigne de sa gravité.

La gestion financière d’une société est un exercice complexe qui expose ses dirigeants à des responsabilités importantes, y compris sur le plan pénal. La frontière entre une gestion audacieuse et une infraction caractérisée est parfois ténue. Pour naviguer en toute sécurité dans cet environnement réglementaire, l’assistance d’un cabinet d’avocats est une précaution indispensable. Si vous êtes confronté à une situation de ce type, n’hésitez pas à solliciter notre équipe d’avocats pour un accompagnement sur mesure.

Foire aux questions

Quelle est la principale infraction lors d’une réduction de capital ?

L’infraction principale lors d’une réduction de capital est la rupture de l’égalité entre les actionnaires. La loi impose que le sacrifice financier soit réparti équitablement entre tous, sauf s’ils consentent unanimement à une répartition différente.

Une société a-t-elle le droit d’acheter ses propres actions ?

Oui, une société peut racheter ses propres actions, mais cette opération est très réglementée. Elle est autorisée notamment pour la participation des salariés ou la régulation du cours en bourse. Utiliser les actions rachetées à d’autres fins que celles prévues par la loi est un délit.

Quelle est la différence entre ces délits et l’abus de biens sociaux ?

Les infractions liées au financement visent à protéger le capital social et l’égalité entre investisseurs lors d’opérations techniques spécifiques (augmentation de capital, rachat d’actions). L’abus de biens sociaux, quant à lui, sanctionne plus largement l’usage par un dirigeant des biens de la société à des fins personnelles, contraire à l’intérêt social.

Qui est responsable pénalement pour ces infractions ?

La responsabilité pénale pèse principalement sur les dirigeants de la société (président, directeurs généraux, administrateurs, gérants) qui prennent les décisions ou les exécutent. Dans certains cas, la personne morale, c’est-à-dire la société elle-même, peut également être déclarée pénalement responsable.

Toutes les opérations de financement sont-elles risquées pénalement ?

Non, la plupart des opérations sont parfaitement légales si elles respectent le cadre juridique strict défini par le Code de commerce. Le risque pénal apparaît lorsque les procédures ne sont pas respectées, que ce soit intentionnellement ou par négligence grave, portant atteinte aux principes de protection du capital et d’égalité des investisseurs.

Pourquoi le droit pénal intervient-il dans le financement des sociétés ?

Le droit pénal intervient pour sanctionner les manquements les plus graves aux règles du droit des sociétés. Son rôle est de protéger l’intégrité du capital social, qui est le gage des créanciers, de garantir l’égalité entre les actionnaires et d’assurer la transparence et la confiance sur les marchés financiers.