Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LAB/FT) sont des infractions complexes qui menacent la stabilité économique et la sécurité des États. Ces phénomènes, souvent liés à la grande criminalité organisée, s’appuient sur des circuits financiers opaques pour dissimuler l’origine illicite des fonds ou pour soutenir des activités criminelles. La lutte contre ces fléaux est devenue une priorité internationale, se traduisant par un arsenal juridique et réglementaire de plus en plus dense et technique. Notre cabinet, fort de son expertise en droit pénal des affaires, constate que les entreprises comme les particuliers peuvent se retrouver involontairement impliqués dans de tels schémas. Cet article propose une vue d’ensemble des définitions, des acteurs et des sanctions, sachant que chaque aspect est approfondi dans des articles dédiés.

Qu’est-ce que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ?

Bien que souvent associées, ces deux notions recouvrent des réalités juridiques distinctes. Le blanchiment vise à donner une apparence légale à des fonds d’origine criminelle, tandis que le financement du terrorisme peut utiliser des fonds d’origine licite ou illicite pour commettre des actes de terrorisme.

Définitions et distinction

Le blanchiment, défini à l’article 324-1 du Code pénal, consiste à faciliter la justification mensongère de l’origine de biens ou de revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit. Il peut aussi s’agir d’apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de cette infraction. On distingue le blanchiment simple du blanchiment aggravé, ce dernier étant retenu lorsqu’il est commis de façon habituelle, en bande organisée ou en utilisant les facilités procurées par une activité professionnelle. Juridiquement, le blanchiment se différencie du recel. Alors que le recel porte sur la chose même qui a été soustraite, le blanchiment concerne les fonds générés par l’infraction. C’est une infraction autonome dont la répression n’est pas conditionnée à la condamnation de l’auteur de l’infraction d’origine. Pour en apprendre davantage sur cette nuance, vous pouvez consulter notre article sur la distinction entre le blanchiment et le recel de choses.

Les phases du blanchiment

Les spécialistes s’accordent à décrire le processus de blanchiment en trois étapes clés, conçues pour brouiller les pistes et intégrer l’argent sale dans l’économie légale. La première phase est le placement, qui consiste à introduire les fonds illicites dans le système financier. Vient ensuite l’empilement (ou dispersion), une série de conversions ou de déplacements complexes des fonds pour masquer leur origine. Enfin, l’intégration permet de réintroduire les capitaux blanchis dans l’économie sous une forme apparemment licite, par exemple via des investissements immobiliers ou des prises de participation dans des entreprises.

L’enjeu sociétal et économique de la lutte contre le LAB/FT

La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est un enjeu majeur pour l’intégrité du système financier international. Ces activités criminelles faussent la concurrence économique, favorisent la corruption et peuvent financer des actions déstabilisatrices pour les démocraties. La mobilisation des États et des organisations internationales vise donc à protéger l’économie mondialisée d’un véritable fléau qui profite de la discrétion offerte par certains territoires et de la rapidité des transferts de fonds électroniques.

Le cadre juridique de la lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme

La réglementation LAB/FT s’est construite progressivement, par strates successives, à l’échelle internationale, européenne et nationale, créant un maillage complexe de textes.

L’encadrement international

Au niveau mondial, le Groupe d’action financière (GAFI) joue un rôle central. Créé en 1989, cet organisme intergouvernemental élabore des normes internationales et évalue leur mise en œuvre par les États membres. Ses recommandations, bien que non contraignantes, constituent le standard mondial de la LAB/FT. D’autres acteurs, comme le Groupe Egmont, qui fédère les cellules de renseignement financier (CRF) de nombreux pays, et les conventions des Nations unies (Vienne, Palerme) complètent ce dispositif en favorisant la coopération et l’entraide judiciaire.

Le dispositif européen

L’Union européenne a transposé et renforcé les normes du GAFI à travers une série de directives anti-blanchiment. Depuis la première en 1991, chaque nouvelle directive a élargi le périmètre des infractions, des professionnels assujettis et des obligations de vigilance. Le paquet législatif le plus récent, adopté en 2024, vise à harmoniser davantage les règles au sein du marché unique et a institué une nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment (AMLA).

La législation nationale française

En France, le dispositif LAB/FT est principalement intégré dans le Code monétaire et financier, qui définit les obligations des professionnels, et dans le Code pénal, qui réprime les infractions de blanchiment et de financement du terrorisme. Le Code des douanes contient également des dispositions spécifiques, notamment en ce qui concerne les transferts physiques de capitaux transfrontaliers. Cette dispersion des textes illustre la complexité de la matière et la nécessité d’une approche globale pour en maîtriser tous les aspects.

Les acteurs clés de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

L’efficacité du dispositif repose sur la collaboration entre des autorités publiques spécialisées et un large éventail de professionnels du secteur privé, soumis à des obligations strictes.

Les autorités officielles

En France, la cellule de renseignement financier, TRACFIN, est au cœur du dispositif. Rattachée au ministère de l’Économie, elle reçoit et analyse les déclarations de soupçon transmises par les professionnels. Lorsqu’elle détecte des faits susceptibles de constituer une infraction, elle saisit l’autorité judiciaire. À ses côtés, des autorités de contrôle sectorielles (comme l’ACPR pour la banque et l’assurance ou l’AMF pour les marchés financiers) et des ordres professionnels (avocats, notaires, experts-comptables) veillent au respect des obligations par leurs membres. Enfin, la Commission nationale des sanctions peut sanctionner les manquements des professionnels non supervisés par une autorité dédiée.

Les professionnels impliqués : catégories et rôle général

La législation a progressivement étendu les obligations de vigilance et de déclaration à de nombreuses professions. Initialement cantonnées au secteur financier (banques, assurances), elles concernent aujourd’hui des professions non financières (agents immobiliers, casinos, marchands d’art) ainsi que les professions juridiques et comptables (avocats, notaires, experts-comptables). Ces professionnels, en première ligne, ont un rôle essentiel de détection. Ils doivent mettre en place des procédures internes pour identifier leurs clients, évaluer les risques et, en cas de doute, effectuer une déclaration de soupçon à TRACFIN. Pour une compréhension détaillée de ce sujet, consultez notre article sur les obligations de vigilance et de déclaration spécifiques aux professionnels.

Les risques et sanctions encourus pour participation aux activités de blanchiment et de financement du terrorisme

La participation, même non intentionnelle, à des opérations de blanchiment ou de financement du terrorisme expose à des sanctions sévères, tout comme le simple manquement aux obligations de vigilance.

La participation à des activités délictueuses

Le fait de participer sciemment à une opération de blanchiment ou de financement du terrorisme constitue une infraction pénale. La loi ne vise pas seulement les “blanchisseurs” professionnels mais toute personne qui apporte son concours à de telles opérations, y compris l’auteur de l’infraction initiale qui recycle lui-même les produits de son délit. Les professionnels qui manqueraient à leurs obligations de vigilance pourraient également voir leur responsabilité engagée. Pour une analyse complète de ce point, référez-vous à notre guide sur les obligations des professionnels et les risques associés.

Les contours des infractions et les peines principales

Le blanchiment simple est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Les peines sont portées à dix ans et 750 000 euros pour le blanchiment aggravé. L’amende peut être élevée jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations. Le financement du terrorisme, quant à lui, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 225 000 euros d’amende. Ces peines peuvent être alourdies si l’infraction est commise en bande organisée.

Les peines complémentaires et les saisies

Outre les peines principales, les personnes physiques et morales condamnées encourent de nombreuses peines complémentaires. Celles-ci peuvent inclure l’interdiction d’exercer une activité professionnelle, l’exclusion des marchés publics, la fermeture d’établissements ou la confiscation de tout ou partie du patrimoine. Les saisies d’avoirs criminels, réalisées au cours de l’enquête, sont un outil essentiel pour priver les réseaux criminels de leurs ressources financières.

La complexité des réglementations LAB/FT et la sévérité des sanctions imposent une vigilance constante pour les entreprises et les professionnels. Un accompagnement juridique est souvent indispensable pour mettre en place des procédures de conformité adéquates et pour réagir efficacement en cas de mise en cause. Pour sécuriser vos activités et bénéficier d’une assistance en cas de contentieux, notre cabinet met à votre service son expertise en droit pénal des affaires.

Foire aux questions

Quelle est la différence entre blanchiment et recel ?

Le blanchiment est une infraction autonome qui consiste à masquer l’origine de fonds issus d’un crime ou d’un délit. Le recel, quant à lui, est le fait de détenir ou de transmettre une chose en sachant qu’elle provient d’une infraction. La principale distinction réside dans l’objet : le recel porte sur la chose même issue de l’infraction, tandis que le blanchiment porte sur les capitaux qui en sont le produit.

Les paradis fiscaux sont-ils encore utilisés pour le blanchiment ?

Oui, bien que la pression internationale ait conduit à plus de transparence, les paradis fiscaux, ou plus exactement les juridictions non coopératives, restent des maillons importants dans les circuits de blanchiment. Leurs réglementations financières laxistes, le secret bancaire renforcé et le manque de coopération administrative en font des lieux privilégiés pour la phase de placement ou d’empilement des fonds illicites.

Quel est le rôle de l’avocat dans la lutte anti-blanchiment ?

L’avocat est soumis aux obligations de vigilance et de déclaration de soupçon lorsqu’il participe, au nom de son client, à une transaction financière ou immobilière ou lorsqu’il agit en qualité de fiduciaire. Cependant, ces obligations sont tempérées par le secret professionnel. Elles ne s’appliquent pas aux informations reçues dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ou d’une consultation juridique, sauf si celle-ci vise à faciliter le blanchiment.