L’article 122- 1 alinéa 1er du Code pénal dispose que « n’est pas responsable de la personne qui était atteinte au moment des faits d’un trouble psychique où neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».

Trois conditions cumulatives sont donc exigées pour que l’irresponsabilité pénale soit acquise : un trouble psychique ou neuropsychique, ayant aboli le discernement, et cela au moment des faits.

I- Les conditions

a- La nature du trouble

Le législateur a fait le choix du terme « trouble psychique ou neuropsychique » afin d’englober un maximum de troubles.

Il est important de rappeler que les juges disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour statuer sur le discernement.

A titre d’exemple, la Cour de cassation a déjà estimé que la personne souffrant d’une crise d’épilepsie n’était pas punissable car le contrôle de ses actes avait été aboli pendant la réalisation des faits reprochés. [1]

Une personne atteinte de schizophrénie peut, elle aussi, être reconnue comme irresponsable de ses actes. [2]

Le sujet nous mène à s’intéresser au cas des intoxications volontaires.

L’absorption d’alcool ou de stupéfiants peut entraîner des inhibitions et une baisse de la vigilance, donc altérer le discernement de la personne ou entraver le contrôle de ses actes.

À ce propos, le législateur a récemment modifié la loi en réaction à une affaire qui a connu un grand retentissement médiatique, l’affaire “Sarah Halimi”.

Dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, un homme s’introduit au domicile de sa voisine (Madame Halimi) et lui donne la mort en la rouant de coups puis en la défenestrant.

L’individu interpellé ne pouvait être auditionné le temps de la garde à vue compte tenu de son état de santé mentale.

Les experts (7 psychiatres) concluent que celui-ci avait agi sous l’emprise d’une bouffée délirante aiguë et que la consommation de cannabis avait pu encourager ou déclencher son apparition.

Fin 2019, la chambre de l’instruction a rendu un arrêt retenant l’irresponsabilité pénale de l’intéressé en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits.

Le 14 avril 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt dans lequel elle estime que les dispositions de l’article 122- 1 du Code pénal ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition du discernement. [3]

En l’espèce, la question n’était pas celle de savoir si la consommation de stupéfiants pouvait constituer une cause d’exonération de responsabilité.

La question était bien celle de savoir si une consommation de stupéfiants ayant contribué à la survenance de troubles psychiques constituait une faute susceptible de constituer un obstacle à l’application du principe d’irresponsabilité pénale.

La réponse était négative.

Ainsi, l’individu qui commet un acte sous l’emprise d’une bouffée délirante ayant aboli son discernement au moment des faits n’est pas pénalement responsable, et cela même si ce trouble a pu être causé par une consommation de stupéfiants.

En réponse à l’affaire Halimi, la loi du 24 janvier 2022 encadre l’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant d’une intoxication volontaire.

Désormais, le droit français exclut l’irresponsabilité pénale lorsque l’abolition temporaire du discernement provient de la consommation volontaire et dans un temps très voisin de l’action, d’une substance psychoactive, dans le dessin de commettre un crime ou un délit.

L’article 122-1-1 du Code pénal dispose que “Le premier alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable si l’abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission“.

L’article 122-1-2 dispose que “La diminution de peine prévue au second alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable en cas d’altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit lorsque cette altération résulte d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives“.

b – L ’abolition du discernement

L’alinéa premier de l’article 122- 1 du Code pénal exige que le trouble mental ait aboli le discernement de la personne.

Ceci renvoie à deux hypothèses :

  • Soit la personne a perdu la capacité de comprendre. Autrement dit, la capacité d’interpréter ses actes.
  • Soit la personne a perdu la capacité de vouloir, c’est-à-dire le contrôle de ses actes.

c – L’existence d’un trouble mental au moment des faits

Le droit français prévoit que le trouble mental doit avoir existé au moment de la commission de l’infraction.

C’est à ce moment précis que s’apprécie la responsabilité ou l’irresponsabilité de l’individu mis en cause.

II – Les effets du trouble psychique ou neuropsychique

a – L’absence d’une déclaration de culpabilité et d’une condamnation

La personne déclarée irresponsable ne peut faire l’objet ni d’une déclaration de culpabilité, ni être condamnée à une peine.

Toutefois, la personne déclarée irresponsable pénalement pour cause de trouble mental, demeure civilement responsable de ses actes en vertu de l’article 414- 3 du Code civil.

Cette personne peut encore faire l’objet, d’une hospitalisation d’office ordonnée par décision motivée soit de la chambre de l’instruction, soit de la juridiction de jugement.

Le juge d’instruction disposera de plusieurs alternatives. Il pourra :

  • Rendre une ordonnance de non-lieu ;
  • Renvoyer à la juridiction compétente pour une audience au fond (cour d’assises ou tribunal correctionnel) ;
  • Renvoyer devant la juridiction de jugement compétente qui statue à huis clos sur l’application de l’article 122-1 du Code pénal ;
  • Rendre une ordonnance d’irresponsabilité pénale ;
  • Ordonner la saisine de la Chambre de l’instruction.

Si elle est saisie, la Chambre de l’instruction pourra :

  • Rendre une ordonnance de non-lieu si les charges contre la personne mise en examen sont insuffisantes ;
  • Décider de renvoyer l’affaire à la juridiction de jugement compétente pour une audience au fond (cour d’assises ou tribunal correctionnel) ;
  • Rendre un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental.

b – Le cas de d’altération du discernement

A côté de l’abolition du discernement, le droit français consacre l’altération du discernement, non comme une cause d’irresponsabilité mais comme une cause d’atténuation de celle-ci.

Dans sa rédaction initiale, l’article 122- 1 alinéa 2 du Code pénal n’envisageait pas le trouble ayant simplement altéré le discernement comme cause d’atténuation de la responsabilité pénale.

Toutefois, la loi du 15 août 2014 a procédé à une modification.

Désormais, les personnes atteintes, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique, ayant altéré mais non aboli leur discernement ou le contrôle des actes, doivent bénéficier d’une diminution de la peine privative de liberté dans la proportion d’un tiers du maximum légal encouru.

Pour les personnes encourant la perpétuité, la peine doit être ramenée à 30 ans de réclusion criminelle.

Néanmoins, en matière correctionnelle, la juridiction peut par une décision spécialement motivée, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine.

Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état.



[1] Cass.crim 14 décembre 1982.

[2] Cass.crim. 18 février 1998.

[3] Cass. Crim. 14 avril 2021 (FS-P+I, n°20-80.135)